Baudelaire est entré dans la carrière littéraire comme critique d'art, essayant de rivaliser avec Diderot, Stendhal, Gautier et les nombreux écrivains rendant compte de l'exposition annuelle du Salon, l'événement majeur de la vie artistique à l'époque, réunissant quelques 2500 tableaux et attirant un million de visiteurs. Dans les années quarante, le Romantisme est mort. Seul survit Delacroix au milieu d'une vague néo-classique. Il est pour Baudelaire l'alpha et l'oméga de la peinture. Pourtant, l'époque change à une allure vertigineuse. Paris subit les transformations d'Haussmann, la culture traditionnelle est chassée par les industries du divertissement, le roman fait place au roman-feuilleton, le théâtre au vaudeville, les expositions universelles ne célèbrent pas seulement les progrès techniques, elles sont aussi le règne du toc. Quelle peinture, quelle poésie peut rendre compte de cette modernité, qui horripile et fascine à la fois? Baudelaire cherche, sans trouver d'équivalent Delacroix. L'époque est aux artistes mineurs, tel Constantin Guys. Le regard du critique s'aiguise au fil des expositions qu'il s'agit de revisiter en empruntant son regard, son oeil.
Robert Kopp, professeur à l'Université de Bâle, ancien Doyen de la Faculté des Lettres, à également enseigné à l'université de Paris-IV Sorbonne et à l'Ecole Normale Supérieure. Correspondant de l'Académie des Sciences morales et politiques, il est membre des rédactions de la Revue des Deux Mondes et de Commentaire.